Monsieur le ministre ;
Monsieur le préfet ;
Monsieur le maire, chers collègues conseillers ;
Madame la rectrice, ;
Monsieur le président de la chambre de commerce ;
Monsieur le président du TCO
Monsieur le directeur de la mer ;
Monsieur le président du Cluster maritime
Monsieur le président et directeur du Grand Port Maritime ; Monsieur le Président du Comité des Pêches ;
Monsieur le Président de l’ARIPA,
Mesdames et Messieurs,
Je veux d’abord vous remercier de m’avoir invitée à prononcer les quelques mots qui vont suivre concernant les enjeux de la chaîne logistique maritime dans le cadre de votre visite ministérielle. Car voici un sujet d’une grande actualité dont les répercussions sont nombreuses.
Comme beaucoup de territoires, La Réunion fait face aujourd’hui à une hausse des prix spectaculaire. Les causes en sont connues.
Il y a d’abord les tensions sur les matières premières à la suite du redémarrage de l’économie mondiale et maintenant du conflit ukrainien. Il y a par ailleurs la hausse des coûts du transport maritime qui touche l’ensemble de l’appareil de production local.
Mais dans notre cadre économique insulaire, ces perturbations prennent une dimension particulière.
Nous sommes dépendants de nos approvisionnements extérieurs, en particulier en produits alimentaires et de santé. Notre balance commerciale, largement déficitaire, en témoigne.
Convenons ensemble qu’il s’agit là d’un immense paradoxe que d’être situé dans un espace maritime au sein duquel transite plus d’un quart des trafics maritimes mondiaux et de subir, en même temps, avec une telle impuissance les aléas des liaisons maritimes des grands armateurs mondiaux. Oui, mesdames et messieurs, je m’oppose à ce que notre île soit réduite à un rôle de variable d’ajustement. La maîtrise de notre désenclavement maritime est un élément central du projet de mandature de notre majorité régionale. Force est de constater qu’aujourd’hui, nous sommes captifs des choix opérés par les grandes compagnies dont les intérêts ne coïncident pas avec les nôtres.
Nous mesurons chaque jour, les conséquences de notre vulnérabilité. Leurs effets sont démultipliés et pèsent sur chaque foyer, chaque famille de notre île. En ces temps troublés, les Réunionnais le vivent au quotidien et le payent au prix fort. Une hausse de 3,8 % des prix en un an, Monsieur le Ministre, est ici vécue comme une angoisse pour 37 % des Réunionnais qui vivent sous le seuil de pauvreté. Et pour celles et ceux qui ont la chance d’avoir un emploi, nombreux sont ceux qui peinent à couvrir leurs charges courantes. La vie chère est, à La Réunion, une réalité sociale dont vous avez eu, j’en suis persuadée, l’occasion de prendre toute la mesure au cours de votre séjour.
Et c’est ici que la question de la sécurisation de nos approvisionnements devient un enjeu décisif pour notre pouvoir d’achat.
Car une partie des réponses que nous pouvons apporter à ces questions de vie chère se trouve dans la modernisation de notre complexe industrialo-portuaire. En effet, car quand 95 % des produits que nous consommons transitent par la mer, nul ne peut ignorer que le développement de La Réunion est, par conséquent, intimement lié à celui de son Port.
Pour ma part, j’en suis convaincue. Je considère que l’attractivité du Grand Port Maritime de La Réunion est un élément déterminant de desserte de l’escale réunionnaise par les compagnies internationales.
L’ambition que nous voulons partager avec tous les acteurs est de faire de Port Réunion un véritable port d’éclatement dans notre zone de l’Océan indien en pleine croissance économique. La Réunion doit valoriser sa localisation géographique, au croisement de routes maritimes de l’Europe à l’Australie, de l’Asie à l’Afrique.
A la fin des années 2010, cette orientation a été clairement donnée avec le développement d’activités de transbordement.
Pour cela, avec raison, le Grand Port Maritime veille constamment à adapter les infrastructures à la taille des navires, à l’augmentation du trafic des conteneurs et à l’évolution des besoins locaux. Il nous faut diversifier les activités portuaires comme les constructions navales pour lesquelles des projets sont en cours et développer la coopération régionale pour capter les flux.
Le port se doit aussi de suivre l’évolution de la demande d’approvisionnement des navires en combustibles. Il s’agit aujourd’hui de les approvisionner en gas oil. Il s’agira demain de les approvisionner en GNL puisque avec le nucléaire cet hydrocarbure vient d’être admis comme source d’énergie de transition par le Parlement Européen.
Il serait sans doute nécessaire d’envisager d’équiper l’île d’un terminal GNL d’autant plus qu’une source importante d’approvisionnement se structure dans le nord du Mozambique.
A ce sujet, les perspectives d’exploitation gazière dans ce pays peuvent faire de Mayotte un pôle logistique, mais La Réunion joue d’ores et déjà un rôle en développant des formations pour les Mozambicains dans les métiers portuaires et maritimes. Cette action conduite par le Grand Port et la région est susceptible d’ouvrir la voie à des échanges plus consistants. Ces actions relevant d’une politique de soft-power s’inscrivent dans la politique que le Président de la République entend promouvoir depuis 2018 dans notre région Indopacifique.
Les enjeux géopolitiques y sont importants si on considère qu’elle est le lieu privilégié de l’affrontement entre la Chine et les États-Unis pour la suprématie mondiale, qu’elle voit le déploiement de la stratégie chinoise des « routes de la soie », qu’elle est le théâtre de la rivalité entre l’Inde et la Chine.
Ainsi que nous le voyons, les enjeux de la desserte maritime de La Réunion sont multiformes, touchant à des domaines les plus divers et multidimensionnels étant locaux, régionaux, mais aussi nationaux, européens et mondiaux. La France a été admise en 2020 à l’Association des États Riverains de l’océan Indien. Sa qualité de puissance riveraine de cet océan est ainsi reconnue. Elle est le seul pays européen à être dans ce cas, ce qui lui donne une responsabilité toute particulière. La Réunion est prête à occuper toute sa place dans ces enjeux qui engagent notre avenir à tous.
Face à ces enjeux, nous avons besoin d’un Port à haut niveau de services, avec des équipements performants, des entrepôts logistiques pour les entreprises afin d’avoir un rapport qualité/prix compétitif pour faire baisser les coûts logistiques.
C’est la raison pour laquelle, j’ai souhaité dernièrement que la Région Réunion accompagne le financement des travaux de modernisation du Port, au sein de la darse nord afin de redonner à nos entreprises utilisatrices un équipement de qualité. De même, l’amélioration de la performance de la chaîne logistique de notre complexe industrialo- portuaire passe inévitablement par le développement de sa zone arrière auquel la Région Réunion participera comme vous le savez.
Mais je pense qu’il nous faut aller plus loin. Dans le cadre de la révision de notre Schéma de Développement Économique d’Internationalisation et d’Innovation (S.R.D.E.I.I.), je propose la mise en place d’un contrat de filières avec les acteurs économiques pour structurer l’ensemble de la chaîne logistique portuaire. C’est un grand chantier qui me paraît nécessaire pour l’organisation de la chaîne de valeur et la réduction des coûts.
Enfin, je terminerai mon propos sur un élément pour lequel j’appelle toute votre attention. Sur les 22 millions de km2 que couvre l’océan Indien, la France y possède 2,8 millions de km2 de Zone Économique Exclusive (Z.E.E.). Nous avons un rôle majeur à jouer de par notre situation géographique. C’est pourquoi, j’appelle de tous mes vœux à une révolution culturelle autour de l’océan. Car de tout temps, et en tout lieu, les entités politiques qui se tournent vers la Mer optimisent leur développement dans lequel puissance se conjugue avec croissance, emploi, pouvoir d’achat et bien-être.
Car « Qui tient la mer, tient la terre ».
Et l’océan Indien est ce grand enjeu, cet horizon dont notre île a besoin pour son développement et constitue un nouveau dessein collectif qui redonne sens et envie car « l’océan contient la quasi-totalité des solutions pour un avenir durable et désirable. »